CHAPITRE PREMIER
L’air à bord du Thrackan Sal-Solo sentait encore le neuf – âcreté de la graisse de protection qui brûlait sur les pales des ventilateurs, fumée doucereuse des gaz de mise en route, odeur d’ozone des échangeurs d’air. Alors que Leia et Han Solo avançaient, ce dernier ne pouvait s’empêcher de toucher les parois en duracier pour se prouver qu’il ne rêvait pas.
Le Sal-Solo était le vaisseau amiral d’une flotte d’assaut secrète que le gouvernement corellien avait commissionnée dix années standard plus tôt à la demande du cousin de Han, Thrackan Sal-Solo, mort récemment. Nul ne savait ce que celui-ci et ses partisans avaient voulu en faire, et Han s’en fichait. La flotte était prête à être déployée et assez importante pour pulvériser le blocus de l’Alliance, et c’était tout ce qui comptait. Celui-ci concernait les cinq planètes du système, étouffant leur économie et menaçant leurs facilités spatiales.
Quand les Solo atteignirent le Centre de Commande, Han n’eut pas besoin d’être un Jedi pour ressentir l’excitation qui y régnait. Les gardes inspectèrent leurs badges avec soin et scannèrent C-3PO. À l’intérieur, dédaignant la machine à caf, même les officiers de repos étaient à leurs postes, occupés à étudier des données et à crypter des ordres. Les seuls individus en apparence oisifs étaient une douzaine d’agents de la sécurité civile, qui attendaient devant le Salon de Planification Tactique, et même eux étaient visiblement tendus.
Han se pencha vers Leia et murmura :
— J’espère que tu n’y vois aucun inconvénient.
Leia leva la tête et arqua un sourcil. Les rides autour de ses yeux sombres rendaient son regard plus pénétrant et... eh bien, plus sage.
— De quoi parles-tu, Han ?
— Du fait d’être mariée à un amiral corellien.
Il se frotta le menton, de nouveau rasé de près maintenant qu’il n’avait plus à se cacher pour échapper aux assassins de son cousin.
— Regarde autour de toi. Wedge s’apprête à franchir le blocus, et il a besoin de moi à la tête d’un des vaisseaux.
Leia jeta un coup d’œil dans la cabine et son regard se posa sur les agents de la sécurité.
— Je ne crois pas que nous ayons à nous inquiéter de ça, Han.
Il fronça les sourcils.
— Tu penses que je suis trop vieux ?
— Non, tu n’as pas encore soixante-dix ans. (Elle baissa la voix.) Mais j’ai un pressentiment.
— Oh, gémit C-3PO. Ce n’est jamais bon quand maîtresse Leia a un pressentiment !
Ils venaient d’arriver devant la porte du salon, ce qui mit fin à leur conversation. Mais au lieu de les faire entrer aussitôt, comme la veille, le garde leur bloqua le passage.
— L’amiral vous recevra dès que possible, capitaine Solo, dit-il.
— Dès que possible ? fit Han, qui commençait à croire que sa femme avait raison. Il nous a fait appeler.
— Oui, monsieur, je le sais. (Il observait Han avec le petit sourire narquois qu’arborait tout Corellien en présence d’un vantard.) L’amiral Antilles est un homme très occupé.
— Ah oui ? rétorqua Han, qui se sentait gêné de sa trop grande confiance – et rien ne le rendait plus désagréable que d’être embarrassé devant Leia. Eh bien, moi aussi.
Mais avant qu’il n’ait pu se retourner pour partir, Leia le prit par le bras.
— Dites à l’amiral Antilles de prendre son temps, déclara-t-elle au garde. Nous comprenons sa situation.
Han ne résista pas quand elle le tira de côté. Cela faisait dix jours standard que Wedge Antilles avait été nommé commandant suprême des forces corelliennes – le lendemain de l’assassinat de Thrackan Sal-Solo – et comme tout le monde, Han savait que son emploi du temps était chargé.
Tant et si bien que les Solo avaient été surpris quand Wedge Antilles leur avait donné rendez-vous dans le champ d’astéroïdes de Kiris. Celui-ci était dans une zone si reculée que Han avait dû en demander les coordonnées. Lui et Leia avaient passé la majeure partie du trajet – rendu plus long encore par la nécessité d’échapper à l’Alliance Galactique – à débattre de ce que le nouveau commandant suprême faisait si loin des combats.
Ils avaient eu la réponse à cette question quand, au détour de Kiris 6, ils avaient vu le Sal-Solo amarré à son quai. Il était de facture typiquement corellienne. Avec sa coque bleue de forme ovoïde, innovatrice et austère, ses tourelles de turbolasers et ses tubes à missiles, il était configuré pour le combat rapproché. Dès l’instant où il l’avait aperçu, Han avait su que c’était exactement ce dont Corellia avait besoin, un appareil capable de plonger au cœur de l’embargo de l’Alliance et de le mettre en pièces.
Mais le pouls de Han s’était surtout accéléré deux heures plus tard, quand Antilles les avait informés qu’il y avait deux autres vaisseaux comme le Sal-Solo et bien d’autres, plus petits, disséminés dans des chantiers navals parmi les astéroïdes. Antilles comptait sur eux et sur l’élément de surprise pour convaincre l’Alliance de revoir ses plans belliqueux. Ce qu’il avait voulu savoir, c’était si Han et Leia considéraient que le conflit se terminerait assez vite pour songer à servir dans l’armée corellienne.
Les deux intéressés avaient passé la nuit à ruminer la question, s’inquiétant de la possibilité que Han se retrouve à affronter les siens. Jaina était maintenant une Jedi, et Jacen torturait des Corelliens sur Coruscant, mais tout était possible au cours d’une guerre. Si Han tuait l’un de ses propres enfants, il serait brisé en plus de morceaux qu’il n’y avait d’étoiles dans la galaxie.
Le dilemme n’était pas plus simple pour Leia. Quatre ans plus tôt, quand son Maître, Saba Sebatyne, l’avait promue au rang de Chevalier Jedi, elle avait juré d’obéir au Conseil de l’Ordre même quand elle était en désaccord avec lui. Or, celui-ci soutenait l’Alliance Galactique. Jusqu’ici, Saba et les autres Maîtres avaient toléré son insubordination par respect pour son nom. Mais cela changerait si Han prenait les armes contre l’Alliance. Le Conseil lui demanderait de choisir entre lui et son époux.
Mais la seule alternative, c’était de n’être que des spectateurs, et les Solo n’avaient jamais été du genre à rester les bras ballants sans rien faire. Ils avaient donc décidé d’aider Antilles à prouver à Coruscant qu’un conflit serait tout aussi ruineux pour l’Alliance Galactique que pour Corellia. Quand le blocus serait levé, la nouvelle administration serait en position de force pour négocier, et Leia assurerait la paix en proposant d’agir en tant qu’ambassadrice.
Voilà pourquoi Han avait été si déçu de ne pas être aussitôt introduit dans le salon. Leia et lui avaient pris la décision de tout risquer pour aider Antilles, et il semblait qu’on n’avait plus besoin d’eux.
L’attente fut plus courte que Han ne s’y attendait. Il commençait à peine à considérer un voyage jusqu’à la machine à caf quand Wedge Antilles arriva dans son uniforme blanc d’amiral. Son visage était marqué de rides, dont nombre étaient dues à l’inquiétude, et ses cheveux courts étaient plus gris que bruns.
— Han, Leia... navré de mon retard.
Alors que la porte se refermait derrière lui, Han aperçut une tête acquiescer à ce que disait une voix.
— Avez-vous pris une décision ? demanda Antilles.
— Oui, commença Han, plus optimiste – peut-être l’amiral avait-il eu un meeting houleux avec quelques civils importants. Je suis tenté de signer.
— Content de l’entendre ! sourit Antilles, mais son visage était empreint d’appréhension. Nous avons une mission pour vous.
Han serra la main qu’il lui tendait, mais Leia observait Antilles avec une certaine réserve.
— Il nous tarde de t’entendre, dit-elle. Ainsi, nous pourrons te donner une réponse définitive.
Antilles fit mine de paraître déçu, mais il commit l’erreur d’expirer doucement par le nez. Au sabacc, c’était un signe qui ne trompait pas – il était soulagé. Quoi qu’il se trame, cela commençait à sentir aussi mauvais que le ventre d’un Hutt.
— Exact, renchérit Han. Pourquoi ne nous dis-tu pas ce que tu as derrière la tête ?
— Bien sûr. (Antilles les entraîna loin de la porte et du garde trop curieux.) Nous avons besoin de vous pour négocier une coalition.
— Négocier ? répéta Han, fronçant les sourcils. Je croyais que tu voulais nous avoir dans l’armée.
— Peut-être plus tard, répondit l’autre sans conviction. Pour l’instant, ceci est prioritaire.
— Il serait malavisé de demander au capitaine Solo de négocier quoi que ce soit de plus important qu’une ceinture d’astéroïdes, dit C-3PO. Son caractère ne convient pas à la diplomatie.
— Han possède toutes sortes de talents cachés, répondit Antilles sans quitter l’intéressé des yeux. J’ai confiance en lui plus qu’en quiconque pour cette mission.
Han apprécia le compliment, puis considéra que son ami voulait lui faire avaler de la crotte de Bantha.
— C’est à cause de Jacen, n’est-ce pas ?
Antilles se rembrunit.
— Jacen ? (Il secoua la tête.) Han, nous avons tous deux des enfants de l’autre côté.
— Syal ne torture pas des Corelliens sur Coruscant, contra Han.
Aussi en colère et humilié fût-il de ce que Jacen était devenu, il se refusait à le cacher.
— Écoute, poursuivit Han, je n’aime pas plus que toi ce que fait Jacen, mais il reste mon fils et je ne le renierai pas. Je comprends que tu aies un problème avec ça.
— Je n’en ai aucun, Han, répondit l’amiral. Jacen s’est perdu, mais uniquement parce qu’il croit en ce qu’il fait. Tôt ou tard, il se rappellera ce que Leia et toi lui avez appris et il retrouvera son chemin.
Leia tendit le bras pour lui serrer la main.
— Merci, Wedge. Je sais que c’est la vérité, mais ça fait du bien d’entendre quelqu’un le dire.
— Oui, ça nous conforte dans l’idée que nous ne sommes pas fous, après tout, renchérit Han, avant de tourner la tête pour essuyer une larme. Maintenant explique-moi pourquoi tu as vraiment besoin de moi.
— Je te l’ai déjà dit : pour négocier une coalition.
Alors qu’il parlait, le regard de l’amiral alla se poser sur Leia, et Han comprit qu’il désirait en fait que ce soit elle qui s’en charge. Il secoua la tête.
— Pour une fois, je suis d’accord avec C-3PO – tu ne peux pas être sérieux. Je serais capable de déclencher une guerre.
Antilles poussa un soupir exagéré.
— Allez, Han, fit-il avant de jeter un autre coup d’œil à Leia. Tu comprends très bien où je veux en venir.
— Alors demande-le clairement. Tu sais que je déteste ce genre de petit jeu.
— Parfait.
Antilles se tourna vers Leia et cligna vivement des paupières – un autre signe qui, au sabacc, signifiait que l’adversaire voulait vous rouler.
— Vous comprenez que ça n’a rien d’officiel...
— Pourquoi pas ? coupa Han.
— Parce que je ne suis pas corellienne, répondit Leia. Et je suis un Chevalier Jedi. Cela éveillerait les soupçons si je conduisais les négociations.
— Alors tu veux que je prenne le devant de la scène, fit Han en regardant Antilles.
Celui-ci hocha la tête.
— Oui.
— Je ne suis pas intéressé, dit Han, sans même prétendre réfléchir à la proposition.
Il ne pouvait pas demander à Leia de faire cela pour une cause qu’elle ne soutenait qu’en partie, surtout quand Antilles lui-même semblait réservé quant à sa requête. De plus, Han soupçonnait son vieil ami d’essayer de les décourager d’accepter.
— Appelle-moi quand tu auras besoin que je me batte.
Il voulut partir, mais Leia le retint par le bras.
— N’allons-nous pas entendre l’amiral Antilles jusqu’au bout ?
— Pour quoi faire ?
— Pour le bien de Corellia, répondit-elle avec un regard sévère qui avait plus d’impact sur lui que la suggestion Jedi. Tu parles sans cesse de l’importance de préserver son esprit libre. T’asseoir à une table pour discuter est-il trop te demander ?
Han en resta bouche bée. Leia avait renoncé à son rôle de diplomate durant la guerre contre les Yuuzhan Vong, parce qu’il lui était alors apparu que le processus politique les empêchait de la gagner. Il trouvait donc étrange qu’elle veuille le reprendre – pour Corellia.
Il se rembrunit.
— Tu veux vraiment faire ça ?
— Je suis prête à y réfléchir, répondit-elle, avant de se tourner vers Antilles. Mais pas avant de connaître tous les détails.
— C’est bien normal, sourit celui-ci, mais ni l’un ni l’autre ne manquèrent la note de déception dans sa voix, évidente pour quiconque le connaissait depuis quarante ans. Mes ordres étaient simplement de découvrir si vous accepteriez de considérer la question. Le Premier Ministre Gejjen vous briefera quant au reste.
Han haussa les sourcils. Dur Gejjen avait accédé au pouvoir en aidant Boba Fett et Han à assassiner le cousin mégalomane de ce dernier. Après cela, il avait aboli le poste de Président des Cinq Mondes, créé par Thrackan Sal-Solo afin d’avoir tout le système de Corellia sous sa coupe. Si Gejjen s’en était tenu à cela, Han aurait admiré son intégrité et sa sagesse. Mais il s’était révélé aussi pourri que Sal-Solo en s’assurant d’être nommé Chef d’État de la planète Corellia et Premier Ministre des Cinq Mondes.
— Gejjen est ici ? fit Han. Tu plaisantes, j’espère.
— J’ai bien peur que non.
Antilles les conduisit dans le salon, une cabine spacieuse dotée de la dernière technologie en matière de coordination de bataille – écrans faisant la moitié d’un mur, holoprojecteur tactique monté au plafond, machines à caf automatique dans tous les coins. Dur Gejjen et deux autres étaient assis à la table de conférence ovale, avec un poste d’information et de communication à chaque place.
Aussitôt que Han et Leia furent entrés, Gejjen mit fin à la conversation en cours et tendit la main.
— Bienvenue, capitaine Solo.
Il était jeune et bel homme, avec des cheveux noirs coupés aussi court qu’un militaire.
— Je suis content que vous ayez accepté.
— Eh bien, ne le sois pas trop, fit Han. Je n’ai encore rien décidé.
Il serra brièvement la main de Gejjen, puis il regarda les autres, qui étaient plus âgés. L’un était un homme à la mâchoire carrée et à la moustache grisonnante, et l’autre une femme au visage rond et aux yeux gris et froids. Han ne connaissait pas le nouveau gouvernement de vue, mais il supposa, au déplaisir d’Antilles et au nombre d’agents de la sécurité, qu’il s’agissait de Gavele Lemora et Rorf Willems. Avec Gejjen, ils formaient le cœur du gouvernement des Cinq Mondes, Lemora étant la ministre de l’Intérieur et Willems celui de la Défense.
Fronçant les sourcils, Gejjen regarda Antilles.
— Ne deviez-vous pas les faire entrer que s’ils...
— La requête de l’amiral Antilles était nécessairement vague, coupa Leia. Han devra en savoir davantage avant de vous servir d’émissaire.
— Ah... bien sûr. (Gejjen jeta un coup d’œil à Lemora par-dessus son épaule et sembla rassuré.) Nous serons heureux de répondre à son attente.
— Après que le droïde aura quitté la pièce, ajouta Lemora, lorgnant C-3PO.
— Je ne peux pas partir ! objecta celui-ci. Je ne pourrai pas enregistrer le briefing.
— C’est bien pour ça, fit Willems d’une voix rocailleuse. Nous ne voulons pas qu’il reste de traces.
— En êtes-vous certain ? s’enquit C-3PO. La mémoire du capitaine Solo a montré quelques défaillances récemment. L’autre jour, il a dit à la Princesse Leia qu’elle ne faisait pas plus de trente-cinq ans avec sa nouvelle coupe courte.
— J’étais sincère, gronda Han. Et cesse d’écouter aux portes !
— Il n’a pas le choix, Han – il est programmé pour ça, dit Leia, avant de se tourner vers C-3PO. Je suis sûre que Han peut encore se rappeler quelques informations. Tu peux nous attendre dehors.
Le droïde baissa la tête.
— Très bien. Je suis là en cas de besoin.
Dès que C-3PO eut quitté la salle, Gejjen fit signe à Han et à Leia de s’asseoir. Antilles choisit un siège à l’autre bout de la table, signe qu’il ne voulait pas prendre part à la conversation.
— Je présume que vous avez reconnu les ministres Lemora et Willems.
Han hocha la tête.
— Oui – et je me demande ce qui peut amener le Haut Cabinet au complet par ici.
— Nous faisons une tournée d’inspection, répondit Lemora sans se donner la peine de paraître plausible. Ce qui devrait vous importer, c’est qu’une opportunité unique se présente à vous.
Avant que Han n’ait pu se lever pour partir, car il détestait qu’on lui mente, Gejjen lâcha la bombe.
— La Reine Mère Tenel Ka a accepté de recevoir une délégation corellienne.
— C’est ça !
— Vous n’êtes pas sérieux !
Han et Leia s’étaient exclamés au même moment. Une seule chose aurait pu les surprendre davantage – ou leur inspirer plus de doute : que Gejjen annonce que leur fils Anakin n’était pas mort en combattant les Yuuzhan Vong. Tenel Ka était l’une des plus loyales et ardentes supportrices de l’Alliance Galactique, et penser qu’elle pourrait changer de camp était absurde.
— Je vous assure que nous sommes sérieux, rétorqua Gejjen. Le Haut Cabinet ne s’est pas déplacé pour vous jouer un tour.
— Alors quelqu’un vous a donné de fausses coordonnées, répondit Han. Tenel Ka ne soutiendra jamais Corellia. Elle a déjà donné deux vaisseaux de guerre à l’Alliance.
Mais Gejjen ne sembla pas ébranlé.
— Et si cela devait changer, l’Alliance Galactique devrait reconsidérer sa position au sujet de Corellia.
— L’invitation est bien réelle, assura Lemora. La Reine Mère a une demi-journée de libre le vingt. Pouvez-vous arriver à Hapes à temps ?
— Évidemment. (Le regard de Han convergea vers le bout de la table, où Antilles semblait très intéressé par les machines à caf.) À condition que ça en vaille la peine.
— Je crois que ce que Han veut dire, c’est que l’offre nous paraît sujette à caution, précisa Leia, qui regarda son époux comme pour avoir confirmation, alors qu’en réalité elle lui demandait de jouer le jeu. Nous connaissons tous deux assez bien Tenel Ka pour savoir qu’elle ne changera pas de camp.
— C’est ce qui fait de vous les candidats parfaits pour cette mission, dit Willems. Si quiconque a une chance de lui faire entendre raison, c’est bien vous.
Han n’aima pas son ton.
— Vous feriez bien de ne pas nous envoyer là-bas pour la menacer, fit-il. Parce que ça me mettrait autant en rogne que Tenel Ka.
Gejjen agita la main en signe d’apaisement.
— Personne ne profère de menaces, capitaine Solo. Mais nous savons que son soutien à l’Alliance rend difficiles ses relations avec la noblesse.
— Nous supposons que c’est la raison pour laquelle elle désire cet entretien, ajouta Lemora. Peut-être n’est-ce que pour les rassurer, mais nous ne pouvons pas ignorer cette ouverture.
— C’est évident, dit Leia. Mais l’amiral Antilles a dit que vous vouliez que Han négocie une coalition. Vous savez que cela n’arrivera jamais, n’est-ce pas ?
— S’il existe un espoir, c’est vous, répondit Gejjen. Mais nous n’avons pas besoin d’une coalition, pas plus que la Reine Mère Tenel Ka.
— Si Hapes déclarait sa neutralité et rappelait ses vaisseaux, la position de Corellia en serait renforcée, politiquement et militairement, ajouta Lemora. Et d’autres gouvernements pourraient trouver le courage de nous soutenir ouvertement.
— Et la noblesse ne pourrait plus remettre les décisions – et le trône – de Tenel Ka en question, présuma Leia. La menace est-elle si grande ?
— Nous avons entendu dire que les mécontents ne se cachent plus. (Gejjen se pencha en avant et la regarda délibérément dans les yeux.) Il ne serait pas exagéré de dire que persuader la Reine Mère de se montrer favorable à Corellia lui serait tout aussi bénéfique qu’à nous.
— Je vois, dit Leia, qui l’observa un instant avant de se tourner vers Han. Le Premier Ministre marque un point. Nous pourrions faire beaucoup de bien à Corellia et à Tenel Ka.
— Oui, peut-être, fit-il, regardant de nouveau Antilles, qui observait toujours les distributeurs comme s’ils renfermaient les plans secrets de l’Alliance Galactique. Mais quelque chose dans cette histoire sent aussi mauvais que l’haleine d’un Hutt.
— Parfait... nous trouverons quelqu’un d’autre, cracha Willems, montrant la sortie. Merci...
— Ministre Willems, coupa Gejjen. Entendons d’abord les inquiétudes du capitaine Solo.
Il interrogea celui-ci du regard.
— Tout ça serait parfait si nous étions sur Corellia, dit Han. Je ne comprends pas pourquoi Wedge m’a fait venir jusqu’ici pour que vous trois me proposiez ce travail.
À la surprise de Han, Gejjen invita Antilles à parler.
— Peut-être devriez-vous répondre, amiral.
— Très bien, répondit Antilles, se détournant enfin des machines. Tu étais déjà en route quand le Premier Ministre a reçu le message de Tenel Ka. J’avais l’intention de te demander de prendre la tête de la Flotte corellienne et de préparer la contre-attaque.
— La contre-attaque ? dit Han, fronçant les sourcils.
La Flotte corellienne était dispersée parmi les cinq mondes habitables de leur système et les vaisseaux étaient soit cloués à quai, soit jouaient à moog et rancor avec ceux de l’Alliance, lesquels avaient une puissance de feu deux fois plus grande.
— Tu as le mal de l’espace ou quoi ? Nous en perdrions la moitié avant même d’arriver à portée de tir.
Antilles secoua la tête.
— Peu probable. Nous sommes presque prêts à lancer la véritable attaque d’ici.
Han plissa le front, pensif, puis demanda :
— Je n’aurais jamais vu le début d’une action, hein ? (Il ignorait s’il devait être en colère ou blessé.) Je devais te servir de leurre ?
— Navré, Han. Il fallait que je fasse quelque chose.
— Nous avons des informations selon lesquelles l’Alliance se demande où est l’amiral Antilles, expliqua Lemora. J’ai suggéré une diversion.
Leia posa une main sur le bras de Han.
— Prends cela comme un compliment, dit-elle. Il n’y a personne d’autre que l’Alliance croirait assez fou pour tenter une chose aussi risquée.
— Merci beaucoup, dit Han, mais il regardait Antilles. C’est toujours bon de sentir qu’on a besoin de vous.
— Ce qui est le cas, intercéda vivement Gejjen. L’amiral Antilles n’est pas heureux de te perdre au profit d’une mission diplomatique.
— Et c’est pour ça que vous trois m’avez pourchassé jusqu’ici ? Pour forcer Wedge à me laisser partir ?
— Pas entièrement, admit Lemora. La Reine Mère ne nous a pas laissés longtemps pour trouver un ambassadeur. Si vous n’y allez pas...
— ... j’irai, termina Willems.
— Nous n’en sommes pas encore là, temporisa Gejjen, et le regard qu’il échangea avec Lemora disait qu’ils espéraient n’avoir jamais à faire ce choix. Puisque les communications d’ici vers l’extérieur sont interdites, nous aurions dû attendre qu’un messager retourne à Corellia avec votre réponse. Il nous a semblé plus sûr de venir et d’en discuter directement avec vous.
— Et nous devons vraiment inspecter la Flotte de Kiris avant de permettre l’attaque-surprise, ajouta Lemora. Il s’agit de l’avenir de Corellia.
— C’est compréhensible, remarqua Leia, avant de faire à Han sa moue qui disait fais-le pour moi. Satisfait ?
Han se rembrunit – il détestait quand elle usait de son pouvoir de femme sur lui.
— Bien sûr. (Il retroussa les lèvres.) J’accepte.
Leia sourit et lui tapota la main.
— Moi aussi.
— Excellent, dit Gejjen, l’air soulagé, se levant pour tendre la main par-dessus la table. Les Cinq Mondes vous sont reconnaissants.
Alors qu’ils se serraient la main, Lemora tira une data-carte de sa poche et la donna à Leia.
— J’ai pris la liberté de vous préparer une vidéobriefing. Vous pourrez la regarder à bord du Faucon.
— Nos instructions sont dedans ?
— Évidemment, répondit Gejjen, montrant la porte. Il vous faut partir immédiatement si vous voulez arriver sur Hapes à temps.
— Je vous raccompagne, annonça Antilles en se levant pour conduire les Solo hors du salon.
Dès que la porte se fut refermée derrière eux, il reprit, serrant l’épaule de Han :
— Je suis désolé, mon vieux. J’étais impatient de te donner des ordres.
— Pourquoi ? rétorqua Han. Tu ne crois pas que je t’aurais obéi, non ?
Antilles rit.
— Je suppose que non. Il se tourna vers Leia.
— Merci. S’il nous reste un espoir de faire reculer l’Alliance et de mettre un terme à cette guerre avant qu’elle ne devienne moche, c’est toi.
— Je suis contente de pouvoir vous aider – tu le sais bien. (Elle l’étudia un instant, puis, d’une voix sobre :) Wedge, que nous caches-tu ?
Il baissa les yeux et secoua la tête.
— Je l’ignore, Princesse – et je n’aime pas ça plus que vous deux.
— Quoi que ce soit, je pense qu’il vaut mieux que nous parlions à Tenel Ka plutôt que Willems, déclara Han. Ce gars me donnerait envie de me jeter dans les bras de l’Alliance !
— Je crois que Gejjen comptait là-dessus, dit Leia. Il savait que tu dirais oui quand tu aurais vu l’alternative en personne.
— Ça a marché.
Han regarda Antilles.
— Enfin ça et découvrir que mon alternative était de servir de leurre.
— Content d’avoir pu t’aider à te décider, dit Antilles avec un sourire las. (Il serra la main de Han et embrassa Leia sur la joue.) Je dois y retourner ou ils vont s’imaginer que j’essaie de vous convaincre de changer d’avis. Que la Force soit avec vous.
— Merci, Wedge, répondit Leia. Nous en aurons besoin.